Aller au contenu

Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si nous passons des idées politiques et religieuses aux opinions philosophiques et morales qui règlent les actions journalières de la vie et dirigent l’ensemble de la conduite, nous remarquerons le même accord.

Les Anglo-Américains[1] placent dans la raison universelle l’autorité morale, comme le pouvoir politique dans l’universalité des citoyens, et ils estiment que c’est au sens de tous qu’il faut s’en rapporter pour discerner ce qui est permis ou défendu, ce qui est vrai ou faux. La plupart d’entre eux pensent que la connaissance de son intérêt bien entendu suffit pour conduire l’homme vers le juste et l’honnête. Ils croient que chacun en naissant a reçu la faculté de se gouverner lui-même, et que nul n’a le droit de forcer son semblable à être heureux. Tous ont une foi vive dans la perfectibilité humaine ; ils jugent que la diffusion des lumières doit nécessairement produire des résultats utiles, l’ignorance amener des effets funestes ; tous considèrent la société comme un corps en progrès ; l’humanité comme un tableau changeant, où rien n’est et ne doit être fixe à toujours, et ils admettent que ce qui leur semble bien aujourd’hui peut demain être remplacé par le mieux qui se cache encore.

Je ne dis point que toutes ces opinions soient justes, mais elles sont américaines.

En même temps que les Anglo-Américains sont ainsi

  1. Je n’ai pas besoin, je pense, de dire que par ces expressions : les Anglo-Américains, j’entends seulement parler de la grande majorité d’entre eux. En dehors de cette majorité se tiennent toujours quelques individus isolés.