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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/389

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pas recours à des faits anciens, mais à ceux dont j’ai pu être le témoin, ou qui ont eu lieu de notre temps.

Quand on examine attentivement ce qui se passe aux États-Unis, on découvre sans peine l’existence de deux tendances contraires ; ce sont comme deux courants qui parcourent le même lit en sens opposé.

Depuis quarante-cinq ans que l’Union existe, le temps a fait justice d’une foule de préjugés provinciaux qui d’abord militaient contre elle. Le sentiment patriotique qui attachait chacun des Américains à son État est devenu moins exclusif. En se connaissant mieux, les diverses parties de l’Union se sont rapprochées. La poste, ce grand lien des esprits, pénètre aujourd’hui jusque dans le fond des déserts[1] ; des bateaux à vapeur font communiquer entre eux chaque jour tous les points de la côte. Le commerce descend et remonte les fleuves de l’intérieur avec une rapidité sans exemple[2]. À ces facilités que la nature et l’art ont créées, se joignent l’instabilité des désirs, l’inquiétude de l’esprit, l’amour des richesses, qui, poussant sans cesse l’Américain hors de sa demeure, le mettent en communication avec un grand nombre de

  1. En 1832, le district du Michigan, qui n’a que 31,639 habitants, et ne forme encore qu’un désert à peine frayé, présentait le développement de 940 milles de routes de poste. Le territoire presque entièrement sauvage d’Arkansas était déjà traversé par 1,938 milles de routes de poste. Voyez the Report of the postmaster general, 30 novembre 1833. Le port seul des journaux dans toute l’Union rapporte par an 254,796 dollars.
  2. Dans le cours de dix ans, de 1821 à 1831, 271 bateaux à vapeur ont été lancés dans les seules rivières qui arrosent la vallée du Mississipi.

    En 1829, il existait aux États-Unis 256 bateaux à vapeur. Voyez Documents législatifs, nº 140, p. 274.