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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/57

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Tandis que les instincts naturels de la démocratie portent le peuple à écarter les hommes distingués du pouvoir, un instinct non moins fort porte ceux-ci à s’éloigner de la carrière politique, où il leur est si difficile de rester complètement eux-mêmes et de marcher sans s’avilir. C’est cette pensée qui est fort naïvement exprimée par le chancelier Kent. L’auteur célèbre dont je parle, après avoir donné de grands éloges à cette portion de la Constitution qui accorde au pouvoir exécutif la nomination des juges, ajoute : « Il est probable, en effet, que les hommes les plus propres à remplir ces places auraient trop de réserve dans les manières, et trop de sévérité dans les principes, pour pouvoir jamais réunir la majorité des suffrages à une élection qui reposerait sur le vote universel. » (Kent’s Commentaries, vol. I, p. 272) Voilà ce qu’on imprimait sans contradiction en Amérique dans l’année 1830.

Il m’est démontré que ceux qui regardent le vote universel comme une garantie de la bonté des choix se font une illusion complète. Le vote universel a d’autres avantages, mais non celui-là.