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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/63

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influence qu’a exercée la démocratie américaine sur les lois électorales.

La rareté des élections expose l’État à de grandes crises. — Leur fréquence l’entretient dans une agitation fébrile. — Les Américains ont choisi le second de ces deux maux. — Versatilité de la loi. — Opinion de Hamilton, de Madison et de Jefferson sur ce sujet.

Quand l’élection ne revient qu’à de longs intervalles, à chaque élection l’État court risque d’un bouleversement.

Les partis font alors de prodigieux efforts pour se saisir d’une fortune qui passe si rarement à leur portée ; et le mal étant presque sans remède pour les candidats qui échouent, il faut tout craindre de leur ambition poussée au désespoir. Si, au contraire, la lutte égale doit bientôt se renouveler, les vaincus patientent.

Lorsque les élections se succèdent rapidement, leur fréquence entretient dans la société un mouvement fébrile et maintient les affaires publiques dans un état de versatilité continuelle.

Ainsi, d’un côté, il y a pour l’État chance de malaise ; de l’autre, chance de révolution ; le premier système nuit à la bonté du gouvernement, le second menace son existence.

Les Américains ont mieux aimé s’exposer au premier mal qu’au second. En cela, ils se sont dirigés par instinct bien plus que par raisonnement, la démocratie poussant le goût de la variété jusqu’à la passion. Il en résulte une mutabilité singulière dans la législation.