Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

princesse, au contraire, avec l’habitude qu’ont les femmes, en général, de tourner la question, prétendait que leur fille était trop jeune, que Lévine ne montrait pas de sérieuses intentions, que Kitty, de son côté, n’avait pas d’attachement pour lui, et autres prétextes ; mais, au fond, elle cachait le vrai motif de ses hésitations : ce motif était qu’elle attendait pour sa fille un parti plus brillant, que Lévine ne lui était pas sympathique, et qu’elle ne le comprenait pas. Et quand, brusquement, Lévine partit, la princesse, ravie, dit triomphalement à son mari :

— Tu vois, j’avais raison.

Puis, quand parut Vronskï, elle fut encore plus enchantée, et sa conviction que Kitty devait trouver non seulement un bon mais un brillant parti, s’affermit davantage.

Pour la princesse, on ne pouvait établir aucune comparaison entre Vronskï et Lévine. Elle n’aimait pas les raisonnements de Lévine qu’elle trouvait étranges et sévères, elle réprouvait sa gaucherie dans le monde, due, croyait-elle, à son orgueil, et sa vie à la campagne qu’elle se représentait comme une existence sauvage parmi les bêtes et les paysans. Il lui déplaisait beaucoup également que Lévine, amoureux de sa fille, fût venu chez eux pendant un mois et demi, semblant hésiter, examiner, comme s’il eût craint de leur faire trop d’honneur par sa demande ; et elle ne comprenait pas que, fréquen-