Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/139

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doit être pour cela. Il est amoureux depuis si longtemps, et je le plains beaucoup.

— Vraiment ! Il me semble qu’elle peut prétendre à un meilleur parti, dit Vronskï, et bombant sa poitrine, — il se remit à marcher. Cependant je ne le connais pas, ajouta-t-il. Mais c’est une situation stupide ! C’est pourquoi la majorité préfère s’en tenir aux Claras. Avec elles, l’insuccès ne tient qu’au manque d’argent et la dignité n’est pas en jeu. Ah ! voilà le train !

En effet la locomotive sifflait déjà au loin. Quelques minutes après le quai tremblait et la locomotive, chassant devant elle la vapeur alourdie par le froid, s’avancait lentement, pliant et dépliant la bielle de la grande roue, pendant que le mécanicien, tout emmitouflé et couvert de givre, saluait la gare.

Derrière le tender, suivait de plus en plus lentement en ébranlant le quai, le fourgon aux bagages dans lequel un chien hurlait, enfin, tremblant un peu avant l’arrêt, les voitures des voyageurs s’approchèrent.

Un conducteur à l’allure dégagée donna un coup de sifflet en sautant du train en marche, et, après lui, commencèrent à descendre l’un après l’autre les voyageurs impatients : un officier de la garde qui se redressait et regardait autour de lui d’un œil sévère ; un petit marchand affairé, portant un sac et souriant gaiement ; un paysan avec une besace sur l’épaule…