Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gai. Eh bien, ne parlons plus de Serge Ivanovitch. Tout de même je suis heureux de te voir. Il aura beau dire, nous ne sommes pas des étrangers. Eh bien, bois donc. Raconte-moi ce que tu fais ! continua-t-il en mâchant gloutonnement un morceau de pain et en vidant un autre petit verre. — Comment vis-tu ?

— Je vis seul à la campagne, comme auparavant. Je m’occupe de l’exploitation, répondit Constantin, regardant avec horreur l’avidité avec laquelle son frère buvait et mangeait, et s’efforçant de dissimuler l’attention qu’il mettait à l’observer.

— Pourquoi ne te maries-tu pas ?

— Je ne me marierai pas, répondit en rougissant Constantin.

— Pourquoi ? Pour moi c’est fini ! J’ai gâché ma vie. J’ai toujours dit et répété que si l’on m’avait donné ma part quand elle m’était nécessaire, ma vie aurait été toute différente…

Constantin se hâta de changer de conversation.

— Et tu sais, ton Vanuchka est chez moi, à Prokovskoié, dans le bureau, dit-il.

Nicolas tira son cou et devint pensif.

— Mais raconte-moi ce qui se fait à Prokovskoié. Voyons, la maison existe toujours, et les bouleaux, et notre salle de classe ? Et le jardinier Philippe vit-il encore ? Comme je me souviens du pavillon, et du divan ! Mais surtout, ne change rien dans la maison… marie-toi au plus vite, et arrange tout