Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/476

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comment il a pu se soumettre au désir de sa mère, vous oublier et vous rendre malheureuse. Il n’avait pas de cœur.

— Oh non ! c’est un homme très brave, et moi je ne suis pas malheureuse ; au contraire, je suis très heureuse. Eh bien, alors, nous ne chantons plus aujourd’hui ? ajouta-t-elle en se dirigeant vers la maison.

— Comme vous êtes belle ! Comme vous êtes belle ! exclama Kitty, et l’arrêtant, elle l’embrassa. Si je pouvais vous ressembler un peu !

— Pourquoi ressembler à quelqu’un ? Vous êtes belle comme vous êtes, dit Varenka avec son sourire doux et fatigué.

— Non, je ne suis pas du tout bonne. Eh bien, dites-moi… Attendez, asseyons-nous, dit Kitty, la faisant asseoir de nouveau près d’elle, sur le banc. N’est-il pas blessant de penser qu’un homme dédaigne votre amour, qu’il ne veut pas…

— Mais il ne m’a pas dédaignée, je suis sûre qu’il m’aimait, seulement c’est un fils obéissant…

— Oui, mais s’il n’agissait pas par la volonté de sa mère, si c’était de lui-même, tout simplement ? demanda Kitty, sentant que son visage brûlant de honte trahissait son secret.

— Alors il agirait mal et je ne le regretterais pas, répondit Varenka, ayant compris qu’il ne s’agissait plus d’elle, mais de Kitty.

— Mais l’offense ! fit Kitty. On ne peut pas oublier