Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/484

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Mais Kitty ne lui répondit rien. Elle pensait en elle-même qu’on ne saurait trop faire dans l’œuvre chrétienne. Comment pouvait-on tomber dans l’exagération en suivant la doctrine qui ordonne de tendre l’autre joue quand l’une est souffletée, de donner sa chemise quand on vous demande un vêtement. Mais ce zèle déplaisait à la princesse, et d’autant plus que Kitty, comme elle le sentait, ne voulait pas lui ouvrir son âme.

En effet, Kitty lui cachait ses nouvelles idées, ses nouveaux sentiments. Elle les cachait non par manque de respect et d’affection pour sa mère, mais précisément parce que c’était sa mère. À toute autre plutôt qu’à celle-ci elle les eût révélés.

— Il y a longtemps qu’Anna Pavlovna n’est pas venue chez nous, dit un jour la princesse en parlant de madame Pétrov. Je l’ai invitée, elle paraît mécontente de quelque chose.

— Mais je ne l’ai pas remarqué, maman, dit Kitty en rougissant.

— Il y a longtemps que tu n’es allée chez eux ?

— Demain nous devons faire une promenade dans la montagne, répondit Kitty.

— Bien, allez, dit la princesse en fixant le visage confus de sa fille et tâchant de deviner la cause de sa confusion.

Le même jour Varenka vint dîner et raconta qu’Anna Pavlovna avait réfléchi et n’irait pas faire