Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/77

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éprouvant en même temps le besoin de faire des mouvements violents, il glissait et décrivait presque avec fureur des courbes concentriques sur la glace.

À ce moment, un jeune homme, le plus fort des nouveaux patineurs, la cigarette aux lèvres, les patins aux pieds, sortit du café, et sautant les marches sur ses patins, il descendit, puis sans même changer la position de ses mains, il s’élança sur la glace.

« Ah ! c’est un nouveau tour ! » se dit Lévine, et aussitôt il courut au café pour l’imiter.

— Ne vous tuez pas ; il faut l’habitude ! lui cria Nicolas Stcherbatzkï.

Lévine gravit le perron et se mit à descendre en tenant l’équilibre avec ses bras, d’un mouvement emprunté. Aux dernières marches il fit un faux pas, mais effleurant à peine la glace du bout des doigts, il fit un brusque effort, reprit son équilibre et, en riant, s’élança plus loin.

— « Quel brave garçon ! » pensa Kitty qui sortait de la maisonnette avec mademoiselle Linon, en le regardant avec le sourire doux et caressant d’une sœur pour son frère préféré : « Est-ce que je suis coupable, ai-je fait quelque chose de mal ? C’est de la coquetterie, dira-t-on. Je sais que ce n’est pas lui que j’aime, mais cependant je me sens joyeuse près de lui ; il est si brave ! Seulement pourquoi a-t-il dit cela ? » pensait-elle.