Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/277

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venait pas, tantôt elle soupait, tantôt non. Presque toujours, quand il n’y avait pas d’invités, elle restait à moitié habillée et ne se gênait pas pour se montrer à nous et aux valets en jupon blanc, avec un châle jeté sur ses épaules et les bras nus.

Tout d’abord cette simplicité me plut, mais bientôt précisément à cause de cette simplicité je perdis le reste de respect que j’avais pour elle. Une chose encore étrange : suivant qu’il y avait ou non deux hôtes, en elle étaient deux femmes différentes : l’une devant les invités, jeune, forte, froide, belle, richement habillée, ni sotte, ni spirituelle, mais gaie ; l’autre, quand il n’y avait pas d’invités, n’était déjà plus une jeune femme, mais paraissait fatiguée, ennuyée, négligée, très ennuyeuse bien qu’aimante. Souvent, en la regardant, quand souriante, rouge du froid de l’hiver, heureuse de la conscience de sa beauté, elle revenait de visites, et ôtant son chapeau, s’approchait pour se regarder dans le miroir, ou quand faisant du bruit quand, avec sa superbe robe de bal décolletée, honteuse et fière à la fois elle passait devant les valets, pour monter en voiture, ou bien à la maison, chez nous, quand il y avait de petites soirées et qu’elle était en robe de soie montante avec de fines dentelles autour de son cou délicat, et quand elle jetait de côté son sourire monotone mais joli, en la regardant, je pensais : que diraient ceux qui l’admirent s’ils la