Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/136

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par la parole et l’exemple, la conviction que la lecture des livres lascifs, les théâtres et les bals, constituent une distraction des plus vulgaires, et que chaque acte dont le but est d’orner le corps ou de le montrer est des plus bas et des plus vilains. Au lieu de l’organisation de notre vie, d’après laquelle on considère comme nécessaire et bon qu’un jeune homme se débauche avant le mariage, et comme une chose toute naturelle que les époux se séparent, au lieu de donner patente légale au métier des femmes vouées à la dépravation, au lieu d’admettre et de sanctionner le divorce, au lieu de tout cela je me figurais que, par l’exemple et la parole, on nous inspirait la conviction que le célibat, l’existence solitaire d’un homme mûr pour les rapports sexuels et n’y ayant pas absolument renoncé est une monstruosité et une honte ; que l’abandon de celui ou de celle qu’on a choisi pour aller avec un autre, ou une autre, est non seulement un acte contre nature, comme l’inceste, mais un acte cruel et inhumain. Au lieu de trouver naturel que toute notre existence soit basée sur la violence, que chacune de nos joies nous soit fournie et garantie par la force, que chacun de nous soit tour à tour, de l’enfance à la vieillesse, victime ou bourreau, je me figurais qu’on nous inspirait à tous, par l’exemple et par la parole, la conviction que la vengeance est le sentiment le plus bas et le plus bestial, que la violence non seulement est