Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/138

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crer des étrangers, des inconnus, sans le moindre motif, est le plus horrible forfait dont seul peut être capable un homme égaré et dépravé, tombé au degré de la bête. Je me figurais que tous les hommes en étaient arrivés à cette conviction et je me suis demandé : Qu’adviendrait-il alors ?

Auparavant je me demandais quelles pouvaient être les conséquences pratiques de la doctrine de Christ, telle que je la comprenais, et je me répondais involontairement : néant. Nous continuerons tous à prier, à jouir de la grâce des sacrements, à croire à la Rédemption, au salut individuel et à celui du monde par Christ, et cependant ce salut ne sera pas le fruit de nos efforts ; il se fera parce que la fin du monde sera arrivée. Le Christ viendra au jour fixé dans sa gloire, pour juger les vivants et les morts, et le règne de Dieu s’établira indépendamment de notre vie. Maintenant, la doctrine de Christ, telle qu’elle se révélait à moi, avait encore une autre signification : l’établissement du royaume de Dieu sur la terre dépendait aussi de nous. Et c’était la pratique de la doctrine du Christ, formulée dans les cinq commandements, qui établissait ce règne de Dieu. Le royaume de Dieu sur la terre, c’est la paix de tous les hommes entre eux. La paix entre les hommes est le plus grand bien sur la terre qui soit à la portée de tous. C’est ainsi que tous les prophètes hébreux concevaient le royaume de Dieu. C’est ainsi que le conçut toujours, invaria-