Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/166

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VIII

Supposons que la doctrine de Christ donne le bonheur au monde ; supposons qu’elle est raisonnable et que l’homme, en se basant sur la raison, n’ait pas le droit de la nier ; mais que peut faire un seul parmi les hommes qui ne pratiquent pas la doctrine du Christ ? Si tous les hommes à la fois s’accordaient pour suivre la doctrine du Christ, alors la pratique en serait possible. Mais un seul homme ne peut agir à l’encontre du monde entier. « Si je suis seul au milieu de gens qui ne pratiquent pas la doctrine du Christ », dit-on ordinairement, « si j’abandonne ce que je possède, si je présente la joue sans me défendre, si je refuse de prêter serment et d’aller à la guerre, on me dépouillera, et, si je ne meurs pas de faim, on me battra à mort ; si je survis on me jettera en prison, on me fusillera, et j’aurai sacrifié en vain tout le bonheur de ma vie, toute ma vie. »