Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/207

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offrir en sacrifice un fils unique, comme le fit Abraham, tandis qu’Abraham ne pouvait même pas avoir d’hésitation pour savoir s’il offrirait ou non son fils en sacrifice à Dieu, à ce Dieu seul qui était pour lui le sens et le vrai bien de la vie. De même Christ et ses disciples ne pouvaient pas ne point donner leur vie pour les autres parce que cela seul constituait, pour eux, le sens et le bien de leur vie. C’est précisément de cette incapacité de comprendre ce qui constitue l’essence de la foi que découle ce désir étrange des hommes de croire qu’il est mieux de vivre selon la doctrine du Christ, tandis que de toute la force de leur âme ils aspirent à vivre contrairement à cette doctrine et conformément à leur croyance que la vie personnelle est le souverain bien.

La foi a pour base le sens qu’on attribue à la vie, et d’après lequel on décide de ce qui est important et bon, peu important et mauvais. La foi même, c’est l’appréciation de la vie de tous les chrétiens. Les hommes de notre temps, qui ont une foi basée sur leurs propres doctrines, ne parviennent pas à la mettre d’accord avec la foi qui découle de la doctrine de Christ ; il en était de même autrefois pour les disciples. Ce malentendu apparaît très nettement et fréquemment dans l’Évangile. À plusieurs reprises, les disciples demandent à Christ de raffermir leur foi en ses paroles (Matth., xx, 20-28 et Marc, x, 35-43). Selon ces deux évangiles,