Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/219

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considère cet étang comme un bien moindre que la récolte d’un champ dont la moisson est déjà retardée, le creusement de cet étang ne peut être le bien. Il en est aussi de même des routes que les hommes construisent, des églises, des musées et de toutes les diverses œuvres sociales et gouvernementales. Toutes ces œuvres ne peuvent être le bien que pour ceux qui le jugent tel et par suite en acceptent librement, volontairement les charges, comme l’achat du bois pour l’artel et les outils du tonnelier, le dîner qu’offre l’amphitryon, l’étang que creusent les paysans. Mais les œuvres que les hommes doivent accomplir par force, précisément à cause de cette contrainte, cessent d’être communes et bienfaisantes.

Tout cela est si clair et si simple que si les hommes n’étaient pas trompés depuis si longtemps, il ne faudrait rien expliquer. Supposons que nous vivions tous à la campagne et que nous, c’est-à-dire tous les habitants, nous ayons décidé de construire un pont sur la mare où tous nous courons risque de nous noyer. D’un commun accord nous avons promis de donner tant d’argent par tête ou tant de bois, ou tant de journées de travail. Nous avons consenti à cela parce que ce pont est pour nous plus avantageux que les dépenses qu’il occasionnera.

Mais parmi nous, il y a des gens pour qui il est plus avantageux de n’avoir point de pont et qui