Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marche de l’humanité vers la vérité et le bien. Faire prévaloir cette superstition, cette tromperie, est le but de toutes les sciences politiques en général, et en particulier de la science dite : économie politique. Elle s’applique à cacher aux hommes leur situation d’opprimés, d’esclaves. Le moyen qu’elle emploie à cet effet consiste à vouloir prouver sérieusement, par l’étude des violences, conditions de toute la vie économique des opprimés, que ces violences sont naturelles et inéluctables ; elle trompe ainsi les hommes et détourne leurs yeux de la vraie cause de leurs maux.

L’esclavage est aboli depuis longtemps. Il a été aboli à Rome, en Amérique et en Russie, mais il n’est aboli qu’en paroles et non en fait.

Il y a esclavage là où les uns ne sont affranchis du travail nécessaire à la satisfaction de leurs besoins que pour imposer par la violence ce même travail aux autres ; là où existe un homme qui ne travaille pas, non parce que les autres travaillent pour lui par amour, mais parce qu’il a la possibilité de ne pas travailler lui-même et de forcer les autres à travailler pour lui, il y a esclavage ; là où, comme dans toutes les sociétés européennes, il y a des gens qui profitent par la force du travail de milliers d’hommes et considèrent cela comme leur droit, et d’autres gens qui se soumettent à la force et reconnaissent cela comme leur devoir, là règne l’esclavage en d’effrayantes proportions.