Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/24

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de Londres : Regardez comment c’est chez nous !

J’ai voulu voir toute cette misère dont on m’avait parlé. Je suis allé plusieurs fois du côté du marché de Khitrov et chaque fois je sentais un malaise et j’avais honte. « Pourquoi aller voir les souffrances de gens auxquels je ne peux apporter aucune aide ? me disait une voix. Non, toi qui vis ici, avec tous les charmes de la vie en ville, va et regarde cela aussi, » disait une autre voix. Bref, il y a trois ans, au mois de décembre, un jour de froid et de vent, j’allai à ce centre de la misère de la ville, au marché de Khitrov. C’était un jour ouvrier, à trois heures de l’après-midi. Déjà en entrant dans la rue Solianka, je commençai à remarquer de plus en plus de gens aux habits étranges, qui n’avaient pas été faits pour eux ; en chaussures encore plus étranges. Ces gens avaient un teint particulier, maladif, et surtout l’indifférence pour tout ce qui les entourait leur était particulière à tous. Dans le costume le plus étrange, ne ressemblant à rien, un homme marchait sans aucune gêne, évidemment sans penser à l’impression qu’il pouvait produire sur les autres personnes. Tous se dirigeaient du même côté. Sans demander le chemin que je ne savais pas, je les suivis et me trouvai au marché de Khitrov. Au marché, les mêmes femmes, vieilles et jeunes, en capotes, camisoles et blouses déchirées, en sabots et galoches, avec la même aisance, malgré l’horreur