Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui pourrait être sa grand’mère ou sa mère, parfois malade. Comment ce jeune homme appelle-t-il celui qui, pour le caprice de changer sa chemise qui est encore propre, oblige une femme, qui pourait être sa mère, à laver cette chemise ?

Le jeune homme a des chevaux, par élégance, et un homme, qui pourrait être son père, les lui dresse, en risquant sa vie, et le jeune homme monte les chevaux quand le danger est passé. Comment ce jeune homme appelle-t-il celui qui, s’écartant lui-même d’une situation dangereuse, y met un autre et tire profit de ce risque pour son propre plaisir ?

Et pourtant, toute la vie des classes riches consiste en une série de pareils actes. Les travaux hors de force imposés aux vieillards, aux enfants, aux femmes, et les actes qui se font par les autres au risque de leur vie, non pour que nous puissions travailler, mais pour notre caprice, remplissent notre vie.

Les pécheurs se noient en péchant pour nous les poissons ; les blanchisseuses se refroidissent et meurent : les forgerons s’aveuglent ; les ouvriers des fabriques tombent malades ou sont estropiés par les machines ; les coupeurs de bois sont écrasés par les arbres ; les charpentiers se tuent en tombant des toits : les lingères se meurent. Tous les vrais actes se commettent en prodiguant et en risquant la vie.