Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/486

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nous, les calculateurs et les organisateurs distribuions une centaine de pièces de vingt kopeks à ceux qui n’ont pas mangé, ce ne sera pas peu, non parce que ceux qui n’ont pas mangé mangeront, mais parce que les recenseurs et les organisateurs se conduiront humainement envers ces centaines de pauvres gens. Comment calculer quelles seront les suites, dans le bilan de la morale générale, de ce fait, qu’au lieu du sentiment de dépit, de colère, de jalousie, que nous exciterons en comptant les affamés, nous exciterons des centaines de fois un bon sentiment qui se reflétera sur un deuxième, un troisième, et qui se répandra parmi les hommes comme une onde infinie ?

Cela seul est beaucoup, si quelques-uns parmi ces deux mille recenseurs comprennent ce qu’ils ne comprenaient pas auparavant, qu’on ne peut pas dire de la misère : c’est très intéressant, et que sur un homme le malheur d’un autre doit se refléter autrement que par l’intérêt seul, ce sera bon. Que l’aide soit apportée à tous ces malheureux, qui ne sont pas si nombreux à Moscou que je le pensais auparavant, que l’on peut facilement aider presque par l’argent seul. Que les ouvriers qui se trouvent à Moscou, qui ont mangé leurs habits et ne peuvent retourner à la campagne, soient expédiés chez eux ; que les orphelins abandonnés soient recueillis ; que les vieillards faibles et les mendiants qui vivent par la pitié de leurs compa-