Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/498

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On a détruit l’esclavage depuis longtemps. Il a été aboli à Rome, en Amérique et chez nous, mais on a détruit seulement certaines lois, on a détruit les paroles et non les faits. L’esclavage, c’est l’affranchissement pour soi-même du travail nécessaire à la satisfaction de ses besoins, en se déchargeant de ce travail sur les autres. Là où un homme ne travaille pas, sans que les autres travaillent pour lui par amour, mais où il a la possibilité de ne pas travailler, et de faire travailler les autres pour lui, il y a l’esclavage. Et là, où comme dans toutes les sociétés européennes, il y a des gens qui profitent des travaux de millions d’hommes, et qui considèrent cela comme leur droit, là existe l’esclavage en d’effrayantes proportions. L’argent est la même chose que l’esclavage ; son but et ses conséquences sont les mêmes. Son but est de s’affranchir de la loi originelle — comme l’appelle très justement un écrivain profond du peuple — de la loi naturelle de la vie, comme nous l’appelons, de la loi du travail personnel pour la satisfaction de ses besoins. Et les conséquences de l’esclavage sont, pour le propriétaire : l’invention de besoins nouveaux et nouveaux jusqu’à l’infini, de besoins qu’on ne peut jamais satisfaire, la nullité veule, la dépravation ; et pour les esclaves : l’humiliation de l’homme, son acheminement au degré animal.

L’argent est une forme nouvelle et terrible de