Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/88

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j’en pouvais éprouver, je sentis qu’il était nécessaire de rappeler de nouveau la bienfaisance, c’est-à-dire de faire observer que pendant la tournée, on inscrirait tous ceux qui se trouveraient dans une situation nécessiteuse. J’avais toujours honte de parler de cela, mais ici, parmi nos préparatifs excitants, à peine pouvais-je le prononcer. Tous m’écoutaient avec ennui, me semblait-il, cependant tous acquiesçaient à mes paroles ; mais on voyait que tous les jugeaient comme des bêtises d’où rien ne sortirait : et aussitôt, tous se mirent à parler d’autre chose. Cela continua jusqu’au moment de partir. Nous partîmes.

Nous arrivâmes dans le cabaret sombre ; nous éveillâmes les garçons et commençâmes à déplier nos serviettes. Quand on nous eut déclaré que les gens, ayant appris qu’il y aurait recensement, voulaient quitter leur logis, nous demandâmes au propriétaire de fermer la porte cochère et nous allâmes dans la cour dire aux gens qui voulaient partir qu’on ne demanderait les passeports de personne. Je me rappelle l’impression étrange et pénible que produisit sur moi la vue de ces miséreux troublés, en loques, demi-nus ; tous me semblaient très grands à la lumière des réverbères, dans l’obscurité de la cour. Effrayés et terribles dans leur effroi, ils se tenaient en groupes, près de la fosse d’aisance empestée ; ils écoutaient nos exhorta-