Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/143

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revoir Katucha, il avait éprouvé un serrement de cœur en apprenant qu’elle n’était plus là, qu’elle avait quitté la maison, peu après son départ, pour accoucher, qu’elle avait accouché quelque part, et que depuis, au dire des tantes, elle était tombée très bas. Selon les dates, cet enfant, né d’elle, pouvait être de lui ; mais il pouvait aussi ne pas être le sien. Ses tantes lui racontèrent qu’elle était une débauchée, la nature de sa mère. Ce jugement des tantes le satisfaisait, car il se trouvait en quelque sorte absous. Cependant il eut d’abord l’intention de les rechercher, elle et son enfant ; mais, ensuite, précisément parce qu’au fond de son âme, le souvenir de sa conduite lui était pénible et honteux, il ne tenta aucun effort pour la retrouver ; et, plus encore, il oublia sa faute et cessa complètement d’y penser.

Et voici qu’à présent, un hasard extraordinaire lui rappelait tout cela, et lui faisait toucher du doigt l’égoïsme, la cruauté, la bassesse, grâce auxquels, dix années durant, il avait pu vivre tranquillement, avec un pareil péché sur la conscience. Mais il était encore loin d’un aveu pareil, et en ce moment encore il songeait uniquement à éviter que tout se découvrit sur le champ, et que ses révélations ou celles de son défenseur ne le couvrissent de honte devant tout le monde.