Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/199

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chez la princesse, si elle voulait bien le recevoir.

— Oui, oui, maman sera enchantée. Vous pourrez fumer chez elle comme ici. Ivan Ivanovitch y est sans doute.

La princesse Sophie Vassilievna, la maîtresse de maison, n’existait que couchée. Depuis huit ans déjà, elle recevait ses visiteurs étendue, enveloppée de dentelles et de rubans, parmi les velours, les dorures, les ivoires, les bronzes, les laques et les fleurs ; elle ne sortait nulle part et ne recevait, comme elle le disait, que « ses amis », c’est-à-dire ceux qui, à son avis, planaient au-dessus de la foule. Nekhludov était de ceux-là parce qu’il passait pour un jeune homme intelligent, que sa mère avait été l’amie de la famille Kortchaguine, et qu’il conviendrait que Missy l’épousât.

La chambre de la princesse Sophie Vassilievna était précédée d’un grand et d’un petit salons. Dans le grand, Missy, qui marchait devant Nekhludov, s’arrêta résolument et le regarda, en saisissant le dossier doré d’une chaise.

Missy avait un très vif désir de se marier, et Nekhludov était pour elle un beau parti. En outre, il lui plaisait et elle s’était faite à l’idée qu’il serait à elle (non elle à lui, mais lui à elle), et elle poursuivait son but avec cette ruse inconsciente et tenace qu’y mettent les névrosées. Elle venait de s’arrêter pour lui parler afin de provoquer une explication.