Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/281

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le silence se fit parmi les femmes, qui, avec des signes de croix et de profonds saluts, entraient deux par deux dans la chapelle encore vide et étincelante de dorures. Elles allèrent se masser sur la droite. Aussitôt après, les hommes, en capote de drap gris, vinrent se ranger sur la gauche et au centre de la chapelle. C’étaient des détenus condamnés à la déportation en Sibérie sur la décision de leurs communautés rurales et emprisonnés là provisoirement. En haut de la nef, se trouvaient déjà : d’un côté les forçats, avec la moitié de la tête rasée, et dont un bruit de chaînes décelait la présence ; de l’autre côté les détenus préventifs, non rasés et sans chaînes.

La chapelle de la prison avait été édifiée récemment, grâce à la générosité d’un riche marchand qui y avait dépensé plusieurs dizaines de milliers de roubles. Elle ruisselait de dorures et de couleurs vives.

La chapelle demeura un certain temps silencieuse, on n’entendait que des bruits de nez qu’on mouche, des toux, des cris d’enfants, et, par instants, le cliquetis des chaînes. Mais bientôt les prisonniers, rangés au centre, s’écartèrent pour livrer passage au directeur de la prison, qui s’avança au premier rang.