Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/306

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— On n’entend pas ce que vous dites, — cria-t-elle, le front plissé de plus en plus.

— Je suis venu…

« Oui, je fais mon devoir, j’expie », pensait Nekhludov.

À cette pensée des larmes lui remplirent les yeux et la gorge, et, s’accrochant des doigts à la grille, il se tut, faisant un effort pour ne pas éclater en sanglots.

— « J’ai dit moi : Pourquoi allais-tu où il ne fallait pas… » — criait-on à côté de lui.

— « Aussi vrai que Dieu m’entend, je n’en sais rien », — répondit une prisonnière de l’autre côté.

En voyant son émotion Maslova le reconnut.

— Je ne suis pas bien sûre de vous reconnaître, — cria-t-elle sans le regarder ; et ses joues s’empourprèrent, et son visage s’assombrit davantage.

— Je suis venu te demander pardon, — prononça-t-il à haute voix, d’un trait, comme une leçon apprise.

Ayant crié ces paroles il fut saisi de honte et regarda autour de lui. Mais aussitôt la pensée lui vint que c’est tant mieux s’il a honte, car il doit avoir honte. Et à haute voix, il continua :

— Pardonne-moi ; je suis très coupable envers… cria-t-il.

Immobile, elle ne le quittait pas de ses yeux loucheurs.