Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/170

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Quand on marche, on récite toutes ses prières ! Voilà, canaille ! droit devant et dzinn ! — ajouta-t-il en faisant attention aux sons d’un éclat qui bourdonnait très près. — Voilà, maintenant, — continuait Nikolaïev, il m’a ordonné de conduire votre Noblesse. Notre métier, c’est entendu, on fait ce qu’on nous ordonne, je dois le faire, et le chariot, il est là-bas aux soins d’un petit soldat quelconque, le paquet est défait… et va, va… et si quelque chose se perd dans les bagages, c’est Nikolaïev qui sera responsable !…

Après avoir fait encore quelques pas, ils débouchèrent sur la place. Nikolaïev se taisait et soupirait.

— Voilà votre artillerie, Votre Noblesse ! — dit-il tout à coup. — Demandez à la sentinelle, on vous montrera.

Volodia fit quelques pas et cessa d’entendre derrière lui les soupirs de Nikolaïev.

Tout à coup il se sentit complètement seul. Cette conscience de la solitude dans le danger, devant la mort, comme il lui semblait, tomba sur son cœur comme une pierre terriblement lourde et froide. Il s’arrêta au milieu de la place, se retourna pour regarder si personne ne le voyait, se prit par la tête et avec effroi prononça et pensa : « Seigneur ! suis-je un poltron, un poltron, un lâche, un misérable !… Ne puis-je pas mourir pour la patrie, pour le tzar pour qui encore, récemment,