Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/268

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— Eh quoi ! Maintenant, pour l’expédition, vous pourrez recevoir le grade de sous-officier et l’année suivante être promu sous lieutenant, — dis-je.

— Oui, c’est possible. On me l’a promis, mais avant deux ans, c’est douteux. Et quelles seront ces deux années. Si l’on savait ! Imaginez-vous cette vie avec ce Paul Dmitrievitch : les cartes, les plaisanteries grossières, l’orgie. Vous voulez dire quelque chose qui bout dans votre âme, on ne vous comprend pas, ou on se moque de vous. On vous parle, non pour vous communiquer une idée, mais pour faire de vous un bouffon si possible. Et tout cela est si vulgaire, si grossier, si vilain ; et vous sentez toujours que vous êtes un subalterne. On vous le fait toujours sentir. C’est pourquoi vous ne pouvez comprendre le plaisir de parler à cœur ouvert avec un homme comme vous.

Je ne comprenais nullement quelle sorte d’homme j’étais, aussi ne savais-je que lui répondre…

— Voulez-vous souper ? — me dit en ce moment Nikita, qui, sans être remarqué, s’approchait de moi dans l’obscurité, et que je vis mécontent de la présence d’un hôte. — Il ne reste que des bouchées et un peu de viande hachée.

— Le capitaine a-t-il déjà soupé ?

— Il dort déjà depuis longtemps, — répondit sombrement Nikita. À mon ordre de nous apporter ici de