Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/295

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— Sachka ! donne à manger à Blücher, — cria le comte.

Parut Sachka qui après la route avait bu un verre d’eau-de-vie et était déjà un peu gris.

— Tu n’as pas pu te retenir. Tu es déjà ivre, canaille ! Donne à manger à Blücher.

— Il ne crèvera pas pour cela. Voyez comme il est gras — répondit Sachka en caressant le chien.

— Eh bien, pas de réplique ! Va et donne-lui à manger.

— Pour vous, il suffit que le chien soit nourri, et l’homme, s’il boit un petit verre, alors, vous lui faites des reproches.

— Prends garde, je te battrai ! — cria le comte d’une telle voix que les vitres tremblèrent et que le cavalier éprouva même quelque frayeur.

— Pensez-vous à demander si Sachka a mangé quelque chose aujourd’hui ? Quoi, battez ! si un chien vous est plus cher qu’un homme — prononça Sachka. Mais aussitôt il reçut un tel coup de poing dans le visage, qu’il tomba, se frappa la tête sur la cloison et, de la main protégeant son nez, sauta dans la porte et tomba sur la banquette du corridor.

— Il m’a cassé les dents — grognait Sachka en essuyant d’une main son nez ensanglanté, et de l’autre grattant le dos de Blücher qui se léchait. — Il m’a cassé les dents, Blüchka, mais quand même il est mon comte et je suis prêt à aller dans le feu pour lui. Voilà, puisqu’il est mon