Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous diront, en parlant du quatrième bastion, qu’il y fait sec ou sale, que la hutte est chaude ou froide, etc.

Pendant la demi-heure que vous venez de passer au cabaret, le temps a changé, le brouillard qui s’étendait sur la mer s’est uni aux nuages gris monotones et cache le soleil. Une pluie grise, triste, tombe de haut et mouille les toits, les trottoirs et les capotes des soldats…

Franchissant encore une barricade, vous sortez des portes à droite et montez par la grande rue. Derrière cette barricade, les maisons des deux côtés de la rue ne sont pas habitées. Il n’y a pas d’enseignes, les portes sont barrées par des planches, les fenêtres brisées ; par ici un pan de mur est détruit, par là, un toit est défoncé. Les bâtiments ressemblent à de vieux vétérans éprouvés par le malheur et la misère et qui vous regardent avec orgueil et même avec quelque mépris. En route, vous vous heurtez à des obus tombés à terre et à des trous pleins d’eau que les bombes ont creusés dans le sol. Dans la rue vous rencontrez et dépassez des Compagnies de soldats, de matelots, d’officiers. On rencontre rarement une femme ou un enfant, et encore cette femme n’est pas coiffée d’un bonnet, c’est la femme d’un matelot, en vieille pelisse et chaussée de souliers de soldat. En avançant dans la rue et en faisant un petit détour, vous remarquez que déjà vous n’avez plus