Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/361

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acheté et celui-ci non plus. Tu aurais dû le lui dire, au moins.

Et il continua de lire. Ayant lu la lettre jusqu’au bout, il la froissa et la jeta à terre.

— Pourquoi donc n’as-tu pas acheté de rhum ? Tu avais de l’argent ? — chuchotait à ce moment le cornette qui avait rencontré son brosseur dans le vestibule.

— Mais pourquoi est-ce nous, toujours nous qui achetons ? C’est moi seul qui dépense et son Allemand ne fait que fumer la pipe, — et c’est tout.

La deuxième lettre évidemment n’était pas désagréable, car le comte la lisait en souriant.

— De qui ? — demanda Polozov revenu dans la chambre où il se préparait un lit sur les planches près du poêle.

— De Mina, — répondit joyeusement le comte en lui tendant la lettre. — Veux-tu lire ? Quelle délicieuse femme ! Beaucoup mieux vraiment que nos demoiselles… Regarde combien il y a dans cette lettre de sentiment et d’esprit !… Une seule chose est fâcheuse, elle demande de l’argent.

— Oui, c’est fâcheux, — opina le cornette.

— Il est vrai que je lui en ai promis ; mais ici, cette expédition… Cependant si je commande l’escadron encore trois mois, je lui en enverrai… Vraiment on ne peut le regretter. Quel charme, hein ? — dit-il en souriant et en suivant des yeux l’expression du visage de Polozov qui lisait la lettre.