Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/412

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duisent sont à l’honneur des victimes, on sent que l’auteur sait que ce n’est pas vrai, parce que librement il ne sacrifie pas sa vie et qu’en tuant les autres, malgré lui il met sa vie en danger. On sent que l’auteur connaît la loi de Dieu : — Aime ton prochain, et par suite, tu ne tueras point — qui ne peut être abrogée par aucune duplicité humaine.

C’est ce qui fait la valeur du livre. Il est seulement regrettable qu’on ne fasse que le sentir, que ce ne soit pas exprimé clairement. On décrit les souffrances et les morts des hommes, mais on ne dit pas ce qui les produit.

Trente-cinq ans avant c’était encore bien, mais maintenant il faut autre chose. Il est nécessaire de dénoncer ce qui cause les souffrances et les morts à la guerre, pour connaître, comprendre et détruire ces causes.

« La guerre ! comme elle est terrible avec ses blessures, son sang, ses morts ! disent les hommes. — Il faut organiser la Croix Rouge pour soulager les blessés, les souffrants, pour atténuer la mort. » Mais ce qui est terrible à la guerre, ce n’est pas les blessures, les souffrances, la mort. Aux hommes qui souffrent et meurent de toute éternité, il serait temps de s’habituer à la souffrance et à la mort et de ne pas s’effrayer devant elles. Sans la guerre, on meurt, soit de faim, soit de cataclysme ou d’épidémie. Ce n’est pas la souffrance et la mort qui sont terribles,