Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/51

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M. Pierre ne savait à qui répondre ; il les regardait tous et souriait. Son sourire n’était pas comme celui des autres hommes. Chez lui, au contraire, quand il souriait, le visage sérieux et un peu sombre disparaissait tout à coup, et, à sa place, se montrait un visage enfantin, bon, même un peu bébête, et qui semblait demander grâce.

Pour le vicomte qui le voyait pour la première fois, il était clair que ce Jacobin n’était pas du tout si terrible que ses paroles.

Tous se turent.

— Comment voulez-vous qu’il réponde à tout le monde à la fois ? — dit le prince André. — En outre, dans les actes d’un homme d’État il faut distinguer les actes de l’homme privé, du chef de l’armée ou de l’Empereur. Cela me semble ainsi.

— Oui, oui, sans doute, — fit Pierre, réjoui de l’aide qui venait à lui.

— On ne peut pas ne pas avouer — continua le prince André — que Napoléon, comme homme, fut très grand, sur le pont d’Arcole, à l’hôpital de Jaffa, où il donna la main aux pestiférés, mais… mais il y a d’autres actes qu’il est difficile de justifier.

Le prince André, qui avait voulu évidemment adoucir l’inconvenance des paroles de Pierre, se leva pour partir, et donna le signal à sa femme.