Page:Tolstoï - Journal intime des quinze dernières années de sa vie.djvu/12

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grande dépense de forces morales dans la réception des visiteurs qui affluaient chez lui des quatre coins du monde. Et avec cela il lutte sans cesse contre les conditions de vie qui l’entourent, pour ne pas céder à la tentation d’habitudes plus ou moins luxueuses, et d’autre part, pour ne pas se laisser aller à des décisions brusques, qui eussent porté atteinte à la bienveillance qu’il devait à ses proches. Cette énergie immense se reflète dans le Journal intime où apparaissent souvent les troubles qui agitaient son travail intérieur.


En terminant ce petit aperçu historique, je tiens à dire quelques mots de la technique de la traduction. Il n’existe pas de traductions parfaites. Tolstoï disait lui-même des traductions de ses œuvres : « Si bonnes qu’elles soient, c’est toujours le revers du tapis. » Et c’est d’autant plus vrai pour celle-ci, qu’elle présentait des difficultés spéciales. Tolstoï écrivait ses notes sans se préoccuper de leur forme, sans songer aux lecteurs, sans s’arrêter à l’idée de leur publication possible. Il les écrivait pour lui-même ; et qui fut témoin de l’immense travail de perfectionnement auquel Tolstoï soumettait ses œuvres avant de les livrer au public, constatera sans peine que si ces notes avaient été destinées à la publication, les neuf dixièmes au moins du texte que nous avons sous les yeux eussent été donnés sous une autre forme. Le traducteur eut donc affaire à un brouillon : des phrases jetées au hasard de l’idée fugitive et se terminant souvent par la réflexion : « pas clair », « bêtise », « c’est faux », « j’y reviendrai », etc, et auxquelles il fallait conserver leur caractère im-