Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/138

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jalouse, qu’elle en était avilie. Dans les périodes de cette haine sans causer je l’ai progressivement découronnée, je l’ai couverte de honte dans mon imagination.

J’inventais des fourberies impossibles, je suspectais, je suis honteux de le dire, qu’elle, cette reine des Mille et une Nuits, me trompait avec mon serf, à mes yeux et en se riant de moi. Ainsi, à chaque nouveau flux de jalousie (je parle toujours de la jalousie sans motifs), j’entrais dans le sillon creusé auparavant par mes sales suspicions, et je creusais toujours plus profond. Elle faisait la même chose. Si j’avais, moi, des raisons d’être jaloux, elle, qui connaissait mon passé, en avait mille fois davantage. Et elle me jalousait plus méchamment que moi. Et les souffrances que j’éprouvais de sa jalousie étaient différentes et également très pénibles.

Cela peut s’exprimer ainsi : nous vivons plus ou moins tranquilles… Je suis même gai, content. Soudain nous entamons une conversation sur quelque sujet des plus