Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/192

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je le comprenais et j’en étais au supplice. J’étais au supplice surtout de ce que j’étais sûr qu’envers moi elle n’avait d’autre sentiment qu’une irritation perpétuelle, qui s’interrompait parfois dans la sensualité coutumière, et que cet homme, grâce à son élégance extérieure et à sa nouveauté, et surtout grâce à son talent, indubitablement remarquable, grâce au rapprochement qui se fait sous l’empire de la musique, grâce à l’impression que produit la musique sur les natures nerveuses, que cet homme devait non seulement plaire, mais immanquablement, sans aucune difficulté, devait la subjuguer, la vaincre et en faire ce qu’il voudrait.

Je ne pouvais pas ne pas voir cela, je ne pouvais pas ne pas souffrir ni m’empêcher d’être jaloux. Et j’étais jaloux et je souffrais, et malgré cela — et peut-être même à cause de cela — une force inconnue, malgré ma volonté, me poussait à être non seulement poli, mais plus que poli, aimable. Je ne saurais dire si je le faisais pour ma femme,