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Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/112

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lieu de donner la patente légale au métier des femmes vouées à la dépravation, au lieu d’admettre et de sanctionner le divorce, on nous inspirait au contraire, par la parole et par l’exemple, la conviction que l’état de célibataire, l’existence solitaire d’un homme mûr pour les rapports sexuels et n’y ayant pas absolument renoncé, — est une monstruosité et un opprobre ; que l’abandon de celui ou de celle qu’on a choisi, pour aller avec un autre ou avec une autre, est non seulement un acte contre nature, comme l’inceste, mais un acte bestial et inhumain.

Au lieu de regarder comme naturel que toute notre existence soit basée sur l’idée de coercition ; que chacun de nos amusements nous soit fourni et nous soit garanti par la force ; que chacun de nous soit dès le bas âge jusqu’à la vieillesse, tour à tour victime et bourreau, je me figurai qu’on nous inspirait à tous, par la parole et par l’exemple, la conviction que la vengeance est le sentiment le plus bestial, que la violence est non seulement l’action la plus avilissante, mais celle qui nous prive de la faculté d’être heureux ; que les vraies joies de la vie sont celles qui n’ont pas besoin d’être garanties par la force ; que la plus grande considération appartient non pas à celui qui accumule des richesses pour lui-même au détriment des autres et a le plus de serviteurs, mais à celui qui sert le plus les autres et qui donne le plus aux autres. Au lieu d’estimer tous, comme un acte légal et louable, de prêter serment et de mettre ce que nous avons de plus précieux, notre vie, à la disposition de n’importe qui, — je me figurai qu’on nous enseignait que la volonté éclairée de l’homme est la seule chose sainte entre toutes ; que l’homme ne peut la