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Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/139

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VIII

S’il est admis que la doctrine de Jésus est parfaitement raisonnable et que seule elle donne aux hommes le vrai bien, quelle sera la situation d’un observateur de cette doctrine, isolé au sein d’un monde qui ne la pratique en aucune façon ? Si tous les hommes à la fois s’accordaient pour lui obéir, alors la pratique en serait possible. Mais un seul homme ne peut agir à l’encontre du monde entier, et voici le langage que l’on tient habituellement : Si, au milieu de gens qui ne pratiquent pas la doctrine de Jésus, je suis seul à l’observer, si j’abandonne ce que je possède, si je présente la joue, sans me défendre, si je refuse de prêter serment et d’aller à la guerre, je me trouve, pour ainsi dire, en face du néant, et si je ne meurs pas de faim, on me battra à mort ; si je survis, on me jettera en prison, on me fusillera et j’aurais sacrifié en vain tout le bonheur de ma vie — toute ma vie.

Cette réplique est fondée sur le même quiproquo qui sert de base au raisonnement que nous connaissons sur l’impossibilité de pratiquer la doctrine de Jésus. C’est l’objection courante que je faisais comme tout le monde, et ce fut là mon sentiment jusqu’au moment où je m’affranchis complètement de la doctrine de l’Église,