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Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/217

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l’Église. Je redoutais cette séparation. Aussi, pendant mes investigations, non seulement je ne recherchais les erreurs de la doctrine de l’Église, mais je tâchais au contraire de fermer les yeux sur les propositions qui me semblaient obscures et singulières, sans être en contradiction apparente avec ce qui était pour moi la substance de la doctrine chrétienne.

Cependant, plus j’avançais dans l’étude des Évangiles, plus le sens de la doctrine de Jésus se découvrait à moi et plus le choix me devenait inévitable : ou bien la doctrine de Jésus, — raisonnable, claire, d’accord avec ma conscience et me donnant le salut, — ou bien une doctrine diamétralement opposée, en désaccord avec ma raison et ma conscience, et ne me donnant rien, excepté la certitude de ma perdition et de celle des autres. Et je ne pus faire autrement que de rejeter, l’une après l’autre, les propositions de l’Église. Je le faisais à contre-cœur, en luttant, avec le désir de mitiger autant que possible mon désaccord avec l’Église, de ne pas m’en séparer, de ne pas me priver du plus grand bonheur que procure la religion, — la communion avec mes semblables. Mais, quand j’eus terminé mon travail, je vis que, malgré tous mes efforts de maintenir au moins quelque chose de la doctrine de l’Église, il n’en était rien resté. C’était bien peu, il est vrai ; mais je dus me convaincre qu’il n’en pouvait rien rester.

Je vais raconter l’incident qui se produisit quand je terminais déjà mon travail. Un enfant, — mon fils, vint me dire qu’il y avait une discussion entre deux de nos domestiques, gens sans aucune instruction, sachant à peine lire, à propos d’un passage de je ne sais quel livre religieux dans lequel il était dit que ce n’est pas un pé-