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Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/234

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un chrétien croyant, comme à un juif, ou à un mahométan, pour lui faire comprendre toutes les particularités de la vie, et l’homme ne renonçait pas à sa raison en vivant d’après une loi qu’il reconnaissait comme divine. Mais voici que nous vivons dans un temps où il n’y a que les gens les plus incultes qui ajoutent foi à ces explications, et le nombre de ces gens diminue chaque jour et à chaque heure. Arrêter ce mouvement est tout à fait impossible. Tous les hommes suivent irrésistiblement ceux qui marchent en avant et tous arriveront là où se tient l’avant-garde. Et l’avant-garde est au bord de l’abîme. Cette avant-garde se trouve dans une terrible situation ; ceux qui la composent organisent la vie pour eux-mêmes, la préparent pour tous ceux qui suivent et ne savent absolument pas pourquoi ils font ce qu’ils font. Pas un homme civilisé marchant en tête du progrès n’est en état de donner maintenant une réponse à la question directe : « Pourquoi mènes-tu la vie que tu mènes ? Pourquoi fais-tu tout ce que tu fais ? » J’ai essayé de poser cette question et je l’ai posée à des centaines de gens, et jamais je n’ai obtenu une réponse directe. Au lieu d’une réponse directe à une question directe : « Pourquoi mènes-tu cette existence et agis-tu ainsi ? » — j’ai toujours reçu une réponse non pas à ma question, mais à une question que je n’avais pas faite.

Un catholique croyant, un protestant, un orthodoxe, quand on lui demande pourquoi il mène l’existence qu’il mène, c’est-à-dire une existence contraire à la doctrine de Jésus notre Dieu qu’il confesse, commence toujours, au lieu de répondre directement, à parler du regrettable état de scepticisme de la génération actuelle, des