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Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/44

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Que veut donc dire tout cela ? Suis-je devenu à ce point idiot ? Si moi ou n’importe qui de notre société avons jamais réfléchi au sort de l’humanité, n’avons-nous pas été saisis d’épouvante à l’idée des souffrances et des maux infligés aux hommes par les codes criminels — fléau pour ceux qui condamnent comme pour les condamnés — depuis les tueries de Gengis-Kan et de la Révolution jusqu’aux exécutions de notre époque ?

Il n’y a pas un seul homme de cœur qui n’ait éprouvé une impression d’horreur et de répulsion, non seulement à la vue des êtres humains suppliciés par leurs semblables, mais au simple récit du knout à mort, de la guillotine et du gibet.

L’Évangile dont chaque mot vous est sacré, dit clairement et sans équivoque : On vous a donné une loi criminelle : — « Dent pour dent, œil pour œil, et moi je vous donne une loi nouvelle : ne résistez point au méchant, pratiquez tous ce commandement, ne rendez pas le mal pour le mal, mais faites le bien et pardonnez toujours à chacun. »

Et plus loin, il est dit : « Ne jugez pas, » et pour que nul malentendu sur la signification de ces mots ne soit possible, Jésus ajoute : Ne condamnez point en justice à des châtiments. »

Mon cœur dit haut et clair : point d’exécutions ; la science dit : point d’exécutions, le mal ne peut pas faire cesser le mal. La parole de Dieu, à laquelle je crois, dit la même chose. Et quand je lis toute la doctrine, quand je rencontre les mots : « Ne condamnez point et vous ne serez point condamnés, pardonnez et vous serez pardonnés, » ces mots qui sont pour moi les paroles mêmes de Dieu signifieraient qu’il ne faut pas s’adonner à la