Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/55

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doctrine si contraire à la nature humaine et si féconde en malheurs.

La doctrine de Jésus : « Ne résistez point au méchant, » est une chimère ! dit-on. Comment considérer alors la vie de ces hommes qui, au lieu d’être remplie de compassion et d’amour pour leurs semblables, s’est passée et se passe encore, pour les uns, à préparer supplices tels que le bûcher, le knout, la roue, la question, les fers, les travaux forcés, le gibet, les prisons cellulaires, les prisons pour femmes et enfants, organiser des hécatombes par milliers à la guerre, faire des révolutions périodiques et des jacqueries ; pour les autres, à exécuter ces horreurs ; pour les troisièmes, à se préserver de ces calamités ou à préparer des représailles, — une pareille vie n’est-elle pas une chimère ?

Il suffit de comprendre la doctrine de Jésus pour être convaincu que l’existence, non pas l’existence raisonnable qui donne le bonheur à l’humanité, mais celle que les hommes ont organisée pour leur propre perte, est une chimère, la chimère la plus sauvage, la plus épouvantable, un véritable délire de folie dont il suffit de revenir une fois pour n’y plus jamais retomber.

Dieu est descendu sur la terre, le Fils de Dieu, — personne de la Trinité, — s’est incarné pour racheter le péché d’Adam ; ce Dieu (on nous a accoutumé à croire) a dû dire quelque chose de mystérieux et mystique, quelque chose qu’il est difficile de comprendre, qu’il n’est possible de comprendre qu’à l’aide de la foi et de la grâce, et tout à coup les paroles de Dieu se trouveraient être si simples, si claires et si raisonnables ?

Dieu aurait dit simplement : « Ne faites pas le mal, —