Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/65

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dans la position qu’ils jugeaient digne d’eux et qu’ils croyaient heureuse.

Si je n’avais pas été conduit par la vanité de la bienfaisance, il m’aurait suffi d’examiner un peu leurs physionomies jeunes ou vieilles, pour la plupart faibles et sensuelles, mais bonnes, pour comprendre qu’on ne pouvait remédier à leur infortune par les moyens extérieurs, qu’ils ne pouvaient être heureux dans n’importe quelle position, si leur manière d’envisager la vie restait la même, qu’ils ne sont pas des gens extraordinaires dans des conditions particulièrement malheureuses, mais qu’ils sont les mêmes gens que nous et que ceux dont nous sommes entourés de tous côtés. Je me souviens que je me sentais mal à l’aise, pendant mes relations avec cette sorte de malheureux. Maintenant je comprends quelle en était la cause : je me voyais en eux comme dans un miroir. Si j’avais examiné ma vie et celle des gens qui m’entouraient, j’aurais vu qu’il n’y avait pas de différence entre les uns et les autres hommes.

Ceux qui m’entourent, qui habitent dans de grands appartements ou dans leurs propres maisons, au Sivtzefvrajek, et dans la rue Dmitrovkâ et non pas à la maison de Rjanof, mangent