Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/238

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— Oh ! vous verrez, il n’y a là rien de bien intéressant ! Au même instant entra dans la salle l’élégant sous-directeur.

— Conduisez le prince dans la cellule de Menchov ! lui dit son chef, — puis vous le ramènerez au bureau. Et moi, pendant ce temps, je vais faire appeler la Bogodouchovska.

— Voudriez-vous avoir la bonté de me suivre ? — dit le sous-directeur à Nekhludov, avec un sourire aimable. — Vous vous intéressez à notre établissement ?

— Oui, mais je m’intéresse surtout à ce Menchov, qui, à ce qu’on m’a dit, est innocent du crime qu’on lui a reproché.

Le jeune blondin haussa les épaules.

— Cela arrive ! — dit-il tranquillement après s’être arrêté, par politesse, pour laisser Nekhludov entrer le premier dans un large corridor, d’une puanteur infecte. — Mais souvent aussi ils mentent…… Après vous !

Les portes des chambres étaient ouvertes, et plusieurs détenus se tenaient dans le corridor. Le sous-directeur, en passant, répondait distraitement au salut des gardiens et ne prenait pas même la peine de répondre à celui des détenus, dont quelques-uns, du reste, en le voyant, se glissaient dans leurs chambres, tandis que d’autres s’arrêtaient et restaient immobiles, respectueusement, les mains à la couture du pantalon.

Le sous-directeur fit traverser à Nekhludov tout le grand corridor, et, par une porte de fer, l’introduisit dans un second corridor, plus étroit, plus sombre, et d’une puanteur encore plus affreuse.

Sur ce corridor donnaient, des deux côtés, des portes fermées à clé et percées de petits judas. Ce second corridor était vide ; seul un gardien s’y promenait de long en large, un vieux gardien au visage triste et hargneux.

— Menchov ? Dans quelle cellule ?

— La huitième à gauche.

— Et toutes ces cellules-ci sont occupées ? — demanda Nekhludov.

— Toutes, excepté une seule !