vée, renfermée, et, à ce que crut deviner Nekhludov, hostile à son égard.
Il lui répéta ce qu’il venait de dire à l’interne : qu’il partait pour Pétersbourg, qu’il avait tenu à la revoir avant son départ, et qu’il avait apporté quelque chose pour elle.
— Tenez, — poursuivit-il, — j’ai découvert ceci, dans la maison de mes tantes : c’est une vieille photographie. Peut-être aurez-vous plaisir à la revoir. Prenez-la !
Elle releva ses sourcils, noirs, et ses yeux un peu louches se fixèrent sur Nekhludov avec une expression de surprise, comme si elle se demandait : « Pourquoi me donne-t-il cela ? » Puis, sans dire un mot, elle prit l’enveloppe et la cacha sous son tablier.
— J’ai aussi vu votre tante, au village ! — ajouta Nekhludov.
— Ah ! — fit-elle d’une voix indifférente.
— Et comment vous trouvez-vous ici ?
— Très bien, je n’ai pas à me plaindre !
— Le travail n’est pas trop dur ?
— Mais non, pas trop ! Je ne suis pas encore habituée, voilà tout !
— Cela vaut toujours mieux, — n’est-ce pas ? — que votre vie de là-bas ?
— D’où cela, de là-bas ? — s’écria-t-elle, et un flot de sang inonda ses joues.
— Je veux dire là-bas, dans la prison ! — s’empressa de dire Nekhludov.
— Et pourquoi cela vaut-il mieux ?
— J’imagine que les gens, ici, sont meilleurs. Ce ne sont point les mêmes gens que là-bas !
— Là-bas aussi, il y a beaucoup de braves gens ! — reprit-elle sèchement.
— À propos, je me suis occupé de l’affaire des Menchov ! J’ai l’espoir qu’on les relâchera.
— Dieu le veuille ! c’est une vieille femme si extraordinaire ! — dit-elle, répétant sa définition de la vieille détenue ; et son visage s’éclaira d’un léger sourire.
— J’espère aussi qu’à Pétersbourg votre affaire sera examinée bientôt, et que le jugement sera cassé.