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VIII.

Il y environ quatre ans, la première hirondelle de ce printemps de Toulon, un français célèbre agitateur pour une guerre avec l’Allemagne, est venu en Russie pour préparer la voie à une alliance franco-russe, et nous rendit visite à la campagne. Il est venu chez nous lorsque nous étions tous occupé à couper la récolte de foin, et quand nous sommes arrivés au dîner et avons fait la connaissance de notre invité, il a immédiatement commencé à nous raconter comment il s’était battu, avait été fait prisonnier, s’était évadé, et s’est finalement engagé comme patriote – un fait dont il était à l’évidence fier – ne cessant jamais de mener une campagne en faveur d’une guerre contre l’Allemagne jusqu’à ce que les frontières et la gloire de la France aient été rétablies.

Tous les arguments de notre convive quant à la nécessité d’une alliance de la France avec la Russie pour rebâtir l’ancienne frontière, la puissance et la gloire de son pays, et pour assurer notre sécurité contre les intentions mauvaises de l’Allemagne, n’avaient aucun succès dans notre cercle.

À son argument que la France ne pourrait jamais redevenir normal jusqu’à ce qu’elle ait reprise ses provinces perdues, nous avons répliqué que la Russie ne pouvait pas non plus reposer en paix jusqu’à ce qu’elle ait été vengée pour Jena, et que si la revanche [Fr.] de la France devait réussir, l’Allemagne désirerait à son tour une revanche, et ainsi de suite sans fin.

À ses arguments que c’était le devoir de la France de recouvrer les fils qui lui avaient été enlevés, nous avons répondu que la situation de la majorité des travailleurs de l’Alsace-Lorraine sous l’autorité de l’Allemagne n’avait probablement subit aucun changement pour le pire depuis les jours où elle était gouvernée par la France, et le fait que certains des Alsaciens préférait être inscris comme français, et non comme allemands, n’était pas une raison pour renouveler les effroyables désastres qu’une guerre pourrait causer, ou même pour sacrifier une seule vie humaine.

À ses arguments qu’il était facile de parler comme ça pour nous qui n’avions jamais enduré ce que la France avait enduré, et que nous parlerions très différemment si les provinces Baltiques ou la Pologne nous étaient retranchés, nous avons répliqué que, même du point de vue impérial, la perte des provinces Baltiques ou de la Pologne ne pourrait en aucune façon être considérée comme une calamité, mais plutôt comme un avantage, puisque cela réduirait le besoin de forces armées et de dépense d’États ; et que d’un point de vue chrétien on ne peut jamais reconnaître que la guerre soit juste, puisque la guerre demande le meurtre ; tandis que non seulement le christianisme interdit tout meurtre, mais il nous demande l’amélioration de tous les hommes, de considérer tous les hommes comme des frères, sans distinction des nationalités.

Nous disons qu’une nation chrétienne qui s’engage dans la guerre, se doit, pour être logique, non seulement de descendre la croix de ses clochers d’églises, de transformer les églises pour un autre usage, de donner au clergé d’autres tâches, ayant premièrement interdit de prêcher l’Évangile, mais se doit aussi d’abandonner toutes les exigences de la moralité qui découle de la loi chrétienne.

« C’est à prendre ou à laisser, » [Fr.] avons-nous dit. Avant que le Christianisme soit abolit, il n’est possible d’attirer l’humanité vers la guerre que par la ruse et la tromperie, telles que pratiquées actuellement.

Puisque, pendant la conversation, il n’y avait pas de musique, de champagne ou quoi que ce soit pour embrouiller nos sens, notre invité a simplement haussé les épaules et, avec l’amabilité d’un français, a dit qu’il nous était reconnaissant pour l’accueil cordial dont il avait fait l’expérience dans notre maison, mais qu’il était désolé que ses opinions n’étaient pas aussi bien reçues.