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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/46

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déjà faits.

J’avais invité à prendre le thé dans mon atelier ce jour-là Jacques d’Iscamps, à qui un mariage prochain rendait aimables les plus petites fêtes, et Nane, avec qui il ne s’était encore pu résoudre à rompre ; c’était même là pour moi un sujet de constante surprise ; j’admirais que cette poupée menât à pareilles rênes un homme qui passait pour énergique. Mais cela est un tort que de dénigrer les femmes avant de les avoir, et c’est du jour seulement qu’on les a tenues entre deux draps qu’il y en a des raisons sérieuses.

Je comptais aussi sur cette Noctiluce (Fulvia-Noctilux, comme elle signait) dont les cheveux bleus et les dents en pointe m’avaient séduit naguère. Celle-là était d’origine inconnue, et parlait plusieurs langues avec une égale difficulté. Elle ne ressemblait à rien en France, et paraissait même d’un autre siècle : on eût dit parfois qu’elle sortait d’un Suétone.

Il y avait en elle toutes les curiosités, avec des goûts dont la police, malheureusement, de notre nation lui rendait l’exercice difficile. Il semblait qu’elle se fût plus satisfaite ailleurs et gardât des regrets à ces climats où il est loisible encore de se procurer une chair à meurtrir, esclave et jeune.