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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/115

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pas ? Mais l’ambulance était pleine et voilà qu’on nous amène encore des malades. Où les mettre ? Le médecin court çà et là, regarde : aucune place. Il approche de mon grabat et demande à son aide : « Vit-il ? » L’autre répond : « Il vivait du moins ce matin. » Le médecin se baisse, écoute : je respire. Il en fut très contrarié. Et je l’entendis murmurer : « Stupide nature. Voilà un mourant, un condamné qui occupe inutilement une place qui fait tort aux malades qu’on peut guérir ! » Allons, pensais-je, c’en est fait de toi, mon pauvre Mikhaïlo Mikhaïlitch ! Eh bien, j’en ai réchappé, comme vous voyez. Je suis encore vivant et très vivant. Vous avez, par conséquent, bien raison.

― Surtout dans ce cas, répondis-je, puisque la mort elle-même eût été pour vous une délivrance.

― Certes, approuva-t-il, en frappant significativement sur la table, certes ! il faut savoir prendre son parti… Une situation intolérable, si elle se prolonge, vaut la mort. À quoi bon traîner en longueur ?

Olga se leva vivement et alla au jardin.

― Eh bien, Fedia, s’écria Radilov, la pliasovaïa[1].

  1. Danse nationale.