― Notre époque est différente, remarquai-je.
― Sans doute, confirma Ovsianikov. Pourtant, il faut dire que la noblesse avait alors infiniment plus d’éclat qu’aujourd’hui, et je ne parle pas des velmojes[1]. Ceux-là sont hors ligne, je les ai vus à Moscou. On dit que maintenant ils sont en décadence.
― Vous êtes donc allé à Moscou ?
― Oui, il y a longtemps, très longtemps, je suis dans ma soixante-treizième année ; j’étais dans ma seizième quand je suis allé à Moscou.
Ovsianikov soupira.
― Qu’y avez-vous vu ?
― Beaucoup de velmojes. Et on pouvait les voir autant qu’on voulait. Ils vivaient ouvertement par gloriole. Aucun n’allait à la hanche du comte Alexis Grigorievitch Orlov-Tchesmensky. J’avais tout le loisir de voir le comte Alexis. Son régisseur était mon oncle. Le comte demeurait à la Chabolovka, près de la porte de Kalouga. Voilà un velmoje ! Quelle grandeur et quelle grâce ! On ne peut rien s’imaginer de pareil. Une taille, une force, un regard ! Quand on ne le connaissait pas, on avait peur de lui, mais dans sa maison on se sentait réchauffé et réjoui
- ↑ Grands seigneurs.