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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/141

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l’allemande, mais la grandeur exagérée des plis de l’épaule témoignait que son tailleur était un Russe, un Russien russianisant.

― Avance, dit le vieillard, tu as donc bien honte ? Remercie ta tante, je te pardonne. Batiouchka[1], je vous le recommande, c’est mon neveu et je n’en suis pas plus fier. La fin du monde arrive… (Nous échangeâmes un salut, le jeune homme et moi.) Allons, parle, qu’as-tu tripoté encore ? pourquoi se plaint-on de toi ?

Évidemment Mitia était gêné par ma présence.

― Plus tard, mon oncle, murmura-t-il.

― Non pas, tout de suite ; je sais bien que devant M. le pomiéstchik tu as honte. Ce sera ta pénitence, parle.

― Je n’ai rien fait de honteux, dit vivement Mitia en se redressant. Daignez en juger vous-même. Les odnovortsis de Rechetilovo viennent à moi et me disent : « Défendez-nous, frère. ― Qu’y a-t-il ? ― Voici ce qu’il y a. Nos magasins aux blés sont bien tenus, il n’y a rien de mieux. Or, un employé chargé de les inspecter vient, les regarde et dit : « Vos magasins sont en désordre, je ferai mon rapport. ― Quel désordre ? ― C’est bon, je suis fixé. » Nous nous rassem-

  1. Petit père.